La Belle Epoque – La Volupté – Le Sommeil de Manon – Madeleine Lemaire

Le Sommeil de Manon et La Volupté de Madeleine Lemaire, peintre né en 1845 et décédé en 1928, sont deux tableaux coup de cœur de Paris Frivole. Nous sommes tombés dessus par hasard et ces œuvres nous ont laissé sans voix. Quelle délicatesse, quel bonheur, quelle douceur, quelle féminité !

Ces tableaux sont renversants de beauté, de lascivité et de sensualité. Véritables appels à l’oisiveté et à la lascivité, ils se positionnent en gardiens du temps qui passe. On peut y voir d’un regard une déclaration d’amour aux instants pour soi, et un éclairage sur la joie de vivre éternelle.  

On s’émerveille de ces étoffes soyeuses, de ces draps qui caressent une peau fraîche comme la rosée du matin, de ce sourire qui vient d’éclore, de cette chevelure brillante à peine ébouriffée et de cette peau laiteuse peinte pour être aimée. Comment ne pas tomber amoureu(x)se de cette frivolité ? 

Nous nous sommes penchés sur les deux œuvres en nous demandant pourquoi l’artiste avait décliné l’oeuvre de la sorte. Nous nous sommes demandés si l’une de ces deux peintures pouvait être une copie de l’autre, pourtant, on voit sur ces deux peintures la signature de Madeleine Lemaire. Il ne fait aucun doute que l’ADN de l’artiste soit ancré dans ces deux merveilles. On reconnait le coup de pinceau, la palette et la subtilité florale du peintre. 

Sur internet et dans les archives, aucun comparatif des tableaux n’a été publié, impossible également de trouver les dates de ces deux œuvres respectives. De nombreuses informations se contredisent. Un mystère plane autour de La Volupté et Le Sommeil de Manon, alors à défaut d’obtenir des données factuelles, nous nous sommes plongés au coeur de l’image…

La volupté - Madeleine Lemaire

La volupté – Madeleine Lemaire

Le sommeil de Manon - Madeleine Lemaire

Le sommeil de Manon – Madeleine Lemaire

Il semblerait que La Volupté  incarne le réveil solaire (chevelure dorée, yeux ouverts et sourire) avec des tons chauds. Le personnage féminin se teinte de pudeur avec une étoffe rose transparente.

En revanche,  Le Sommeil de Manon, évoque la nuit, avec une chevelure argentée en référence à la lune et des nuances plus froides et sombres. Manon s’y trouve entièrement nue et sans pudeur avec pour seul apparat, un collier de perles.

Le décor diffère également, les objets disposés sur la table de chevet sont pour l’un dédié à la beauté diurne (coffret de bijoux, plumes, éventail, fleurs et perles) et pour l’autre consacré au monde nocturne, les objets sont plus défaits, on y trouve seulement un petit désordre. La tenue disposée sur la chaise est plus fastueuse pour La Volupté que pour Le Sommeil de Manon (plus minimaliste). On peut penser à un rapport à la séduction différent en fonction de l’aube ou de la nuit.

Aussi, les guirlandes de fleurs sont plus présentes pour le réveil du personnage que pour sa nuit. Sans doute ses rêves ne sont-ils pas innocents ? A en croire la posture et le langage corporel (jambes repliées), on pourrait penser qu’il y a une certaine tension érotique, nonobstant le visage respire la sérénité. Autre interprétation possible, il ne s’agirait pas d’une version jour/nuit mais d’un avant/après évoquant l’acte amoureux.

Madeleine Lemaire - peintre de la belle epoque

Aujourd’hui peu connue du grand public, Madeleine Lemaire est une artiste emblématique (aquarelliste) de la Belle Epoque. Femme de caractère, cultivée, sensible, secrète et parfois autoritaire, sa vie a été vouée au partage de la culture et des arts. Elle n’était pas un prix nobel de la beauté mais elle savait dépeindre la beauté mieux que quiconque.

Elle était la spécialise dans les scènes de genre (parfois dans le goût du XVIIIe siècle) et mondaines et surtout dans les natures mortes et les fleurs.

On la surnommait «L’Impératrice des Roses» car elle aimait peindre de grands bouquets de fleurs. Alexandre Dumas fils disait même en parlant d’elle : «C’est elle qui a créé le plus de roses après Dieu».

Roses_-_Madeleine_Lemaire_(1845-1928)

Mondaine, élégante et extrêmement talentueuse, elle introduisit Marcel Proust (aurait-elle été sa Madeleine ?) et Reynaldo Hahn dans les salons parisiens réservée à l’élite. Elle organisait des soirées culturelles dans le but de lancer de jeunes artistes.

Pierre-Georges Jeanniot - Une chanson de Gibert dans le salon de madame Madeleine Lemaire

Pierre-Georges Jeanniot – Une chanson de Gibert dans le salon de madame Madeleine Lemaire

La liste de ses invités est longue : Victorien Sardou, Colette, Guy de Maupassant, Robert, comte de Montesquiou, Gabrielle Réju, dite Réjane; Jean-Louis Forain, Antonio de La Gandara, Jean Mounet-Sully, Emma Calvé, Camille Saint-Saëns, Marie Diemer, Laude de Sade, comtesse Adéhaume de Chevigné; Jules Massenet, Tony, dit Marshall Le Grand, Marie-Laure Bichoffscheim, vicomtesse Charles de Noailles; Sarah Bernardt, Henri Rochefort, Constant Coquelin, Robert de Flers, Arman de Caillavet, François Coppée, Marie-Clémentine de Rochechouart-Mortemart, duchesse d’Uzès; le chanteur Félix Mayol, l’homme politique Raymond Poincaré, Paul Deschanel, Émile Loubet, et le grand comédien Lucien Guitry.

L’été, Madeleine Lemaire déplace ses invités et les installe dans son château de Réveillon (qui rappelle La Raspelière de la Recherche), dans la Marne, ou dans sa villa dieppoise au 32, rue Aguado, où elle invite ses amis Proust et Reynaldo Hahn.


Madeleine fut nommée chevalier de la Légion d’honneur en 1906 et c’est Léon Bonnat qui lui remit ses insignes. Ces oeuvres sont dispersées, on les trouve au musées du Louvre, Orsay, Carnavalet, Versailles, Mulhouse, Reims, etc.

Paris Frivole rend hommage à cette femme exceptionnelle qui connut un Paris Frivole, faste et bienheureux.

 

 

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There are 2 comments for this article
  1. Yann at 14 h 18 min

    Une interprétation possible : les deux tableaux semblent évoquer un avant et un après l’acte de chair. Dans le premier tableau, La volupté, la jeune femme semble, léger sourire aux lèvres, offerte, inviter son amant à la rejoindre au lit. Celui-ci n’aura juste qu’à écarter un léger voile pour jouir de son corps… Comme elle regarde dans notre direction, l’amant en question peut tout aussi bien être celui qui regarde le tableau, d’où un trouble érotique certain à la vision de celui-ci. Dans le second tableau, dévêtue, Manon, sommeille, probablement comblée par une étreinte avec cet amant… qui est a nouveau celui qui regarde le tableau, après s’être éloigné de quelques pas pour l’admirer sa jolie maîtresse. Interprétation personnelle. Pas forcément la plus pertinente. Mais on a bien le droit de rêver, non ?… 😉

  2. Yann at 14 h 39 min

    Petite déception, je viens de chercher si ces tableaux étaient visibles dans un musée, mais ils sont probablement dans des mains privées, sans doute de deux propriétaires différents, et il est donc hasardeux d’espérer les admirer à brève échéance, surtout en même temps. Ils ont été vendus chez Sotheby’s, chacun sous le titre Le Sommeil de Manon. La version avec voile en 2015 (75 000 euros) qui aurait été réalisée en 1909 et la version entièrement dénudée en 2016 (43 750 euros) qui aurait été réalisée en 1906. L’acheteur du second a probablement fait une meilleure affaire que le premier… 🙂 Ceci-dit, j’aimerais bien posséder les deux !