Sur les hauteurs de Paris, dans le quartier emblématique de Montmartre, l’étoile de la mode, l’iconoclaste Zélia, aussi belle que talentueuse apporte de sa lumière chaque jour. Les badauds s’arrêtent devant sa boutique, un écrin de rêve où les plus belles robes de Paris voient le jour. Zélia crée bien plus que des robes de princesses, elle offre du rêve, de la fantaisie et de la joie. Paris Frivole a eu la chance de la rencontrer et de l’interviewer…
Zélia, tu es une personnalité parisienne emblématique, on clame dans le tout Paris ta fantaisie et on vante tes fabuleuses créations, peux-tu nous lever le voile sur ton parcours, comment en es-tu arrivée là ?
Ou la la !!! Comme disent mes amis, je suis un roman. Quelques acteurs m’ont même dit dans les yeux qu’on devrait en faire le film. L’ennui c’est que je me vois mal tout raconter (rire)…
Alors moi je suis emblématique ? Bon ok, beaucoup d’hommes me disent que je suis “ différente”, exceptionnelle, drôle, vive et tellement vivante. (Je veux ça sur ma plaque tombale un jour, j’adore !).
J’ai passé le demi-siècle récemment, et disons que depuis, c’est assez magique. Cela l’était déjà avant, mais je n’ai plus le sentiment de monter la pente, là je la dévale dans l’autre sens… Et loin de m’effrayer, cela m’amuse. C’est comme à vélo, franchement plus facile !
Surtout que, bizarrement, je suis plus en forme qu’avant… j’ai acquis un savoir-faire qui fait que je peux vraiment créer à l’aise. Je me suis définitivement détachée des résidus de commentaires sur ce que tu devrais faire, ou comment le faire et où le faire ! Détachée aussi la notion du travail lié à l’affectif : de grands pas.
Alors pour répondre plus directement à ta question, je n’avais rien prévu. Je n’ai pas fait d’école de mode. Mon univers c’était les champs de betteraves, la Picardie et la pluie. Pas de tendresse, pas de tourne disques… pas d’amis… Mes parents voulaient que je fasse sténodactylographie, ça se faisait encore à l’époque et comme dans les films j’ai rêvé d’une vie différente, pleine de couleurs, de voyages, de rencontres. Pleine d’ami(e), d’aventures, les plus beaux hommes dans ma vie…. les plus belles femmes dans mes robes. Et surtout les plus grands artistes à mes côtés. C’est inespéré car je partais de loin.
Mais attention que du fort et de l’authentique. Les tendances je ne connais pas, les barrières je ne connais pas, offrir des trucs pour avoir des avis favorables, impossible. Vendre à une fille pas sympa, impossible. J’ai besoin d’être inspirée et en sécurité et appréciée pour bien créer… Comme tout le monde dans le fond !
Et pour le reste c’est magique… Je marche, on m’invite, on me sourit.. Je rencontre, j’échange. Un mélange de foi inéluctable de travail et de bonne humeur…
Une vraie créatrice quoi ! Et je fais ça pour tout. Je dis toujours que j’ai “dessiné mes enfants dans mon ventre”, ils sont exactement comme je les souhaitais au fond de mon cœur. C’est dingue et je les ai eu à la même heure (10 h 27 les deux), sans déclenchements bien sûr…
Comme ça parce que cet horaire je l’avais en tête ! J’aime la famille, les longues amitiés, et les hugs- bisous (c’est connu). Les beaux tissus. Mon truc c’est la quête du beau… les “impossibles” qui deviennent possibles !
Où puises-tu ton inspiration ? Ta passion pour les robes indique-t-elle que tu as été une petite fille rêveuse et fascinée par la féerie des contes de fées ?
Non, je ne la puise nulle part. De la méditation, pas de questions, pas de recherches, pas de compétition. Comme un hommage au ciel chaque matin que je fais ici sur terre… M’occuper les mains, l’esprit, me rendre utile aussi. Les milliers de passants que je fais rêver, ça me touche beaucoup. Partout où je vais dans le monde, souvent on me reconnait ou encore on connait cette vitrine de la rue d’Orsel.. J’ai vu des diners branchouilles ou chics où on ne me calculait pas (faut dire qu’on me cerne difficilement car je suis “or codes, or âges”) et où finalement les yeux des gens se mettaient à briller quand ils réalisaient qui j’étais; mais surtout attirés par ce que j’incarne et ce que je fais… c’est cool.
C’est pour ça que c’est difficile pour moi avec les gens de la mode. Trop de calculs pour moi. L’inspiration elle vient pas d’une chaise, ou d’un tableau, moi je transcende la matière… Je lui donne une vie, c’est pas de la “performance” comme en haute couture (regardez tant heures de couture, tant de budget Lesage, tant de petites main pour faire cette robe) ou comme dans le prêt-à-porter (tiens regarde c’est tendance, c’est la bonne couleur.. j’ai fait un carton j’ai vendu 120 000 pièces)…
Moi je suis juste un petite astéroïde (Zélia c’est aussi le nom d’ une étoile). Je cohabite avec les anges au pied de la Butte Montmartre. Je bosse comme une fourmi. J’abats un travail énorme (un pro a évaluer sérieusement mon système et a donné le chiffre de 197 personnes normalement ). Il n’avait jamais vu ça et son regard était mêlé d’admiration et d’angoisse (rires) .
Je ne me fatigue jamais car c’est comme une religion. Animée par une passion, la quête du beau, l’effort. Le tout, sans se prendre au sérieux. Je danse en cousant; sur les Red Hot Chili Pepper ou sur Rapture … C’est rock et romantique. Les gens passent, je dois coudre en tenant la conversation et en dansant. Michel Pietrini (Chanel et Lanvin) m’a dit un jour, vous êtes une athlète de haut niveau.
Quel beau compliment. Et ce n’est pas Taig Khris qui dira le contraire… ( rires). J’ai réussi à courir avec lui sur un marathon alors que je ne cours jamais. Je joue, je m’amuse à essayer et j’y arrive. Ce sont des moments géniaux. Surtout pour frimer auprès de mes enfants. Ils détestent quand je fais ça.(Rires)
Pour finir sur l’inspiration.. Je n’ai plus le temps de lire, je sors peu, je ne regarde rien, si ce n’est la rue, les nuages. Et encore cool. Plus je suis centrée mieux c’est moins je suis influencée et plus je suis protégée, mieux je me porte.
Si l’on t’offrait une baguette magique, que changerais-tu sur la planète Paris en premier ?
Je mettrais la paix. J’ai été très choquée en CM 1 quand j’ai réalisé que les guerres existaient encore. Au début sur les cours d’histoires, comme on commence par le passé, j’ai cru que c’était les explications sur “autre fois”. Mais pas de nos jours.
Puis je prônerais d’arrêter la compétition en général; mais aussi et surtout, celle entre les hommes et les femmes. Ces histoires de domination masculine. Et de femmes qui veulent l’égalité et celles qui disent que celles qui veulent l’égalité manquent d’ambition… C’est tellement nul tout ça.
Il faut les deux pour faire un monde et ils sont ultra complémentaires. L’intéressant c’est la découverte, pas de vouloir tout expliquer absolument. Ressentir au lieu d’être dans le désir. Apprendre au lieu de vouloir comprendre. S’amuser, rêver et partir tranquillement quand c’est le moment. Pas de heurts, que de l’amour.
Tu es une vraie fille du 18ème, ta boutique rue d’Orsel fait partie du décor montmartrois, que t’évoque ton quartier ?
Hier je suis allée à l’inauguration de la place Suzanne Valadon. Il y avait monsieur Delanoë, le maire Monsieur Vaillant , les commanderies en capes.. on a pris l’apéro sur le trottoir au soleil. On s’adore tous, de tous ages , de toute politique, on se retrouve comme au village. Comment dire ? C’est pas branchouille ce Montmartre là. Pour moi c’est bien, je m’y sens bien. Loin d’un autre Montmartre.
Je me suis posée dans une chambre de bonne à 18 ans, arrivant de Picardie et j’ai avancé et grandis ici. J’ai élevé mes enfants, grands et artistes aujourd’hui. Je resterais ici. Et eux aussi. Et une seule autre ville m’intéresse vraiment pour le travail. Je vais me concentrer sur celle-là. Et pour le reste, voyager pour le plaisir. Ce qui ne m’est pas encore arrivé. Les voyages pour le boulot m’ont accaparé ces trente dernières années.
Quel est ton rêve de mode le plus fou ?
Vendre plus de robes.. Je produis “tant””et tant “ que je peux ! ( rires)… j’aime me rapprocher des réalisateurs , des photographes. J’aime l’image. Mais bien au delà des nécessités commerciales, j’aime les histoires. Mais je n’ai pas de rêve fou.Je ne suis pas folle non plus d’ailleurs.
Faire mes robes au calme de Montmartre ou dans une villa sur une colline d’Hollywood, entre sport , projection de films, déjeuners avec des pots et sieste avec mon amoureux, le tout avant de mettre une belle robe pour sortir dîner et vendre mes créations comme je le fais depuis toujours à un réseau de gens ultra gentils et sympas… voilà un bon programme !
Même faire les interviews et les télés j’adore. Faire des films j’adore… Il y a pas un brin de souffrance en moi. Et pourtant je pourrais me plaindre des trous dans mes doigts avec les heures de couture, des taxes et du “foutage de gueule” du système et des administrations mais je n’ai pas de temps à perdre pour ça et il faut envoyer de belles vibrations dans le monde.
Pas de drogue non plus ! Pas de commentaires, je déteste et je fous dehors tous ceux qui commencent à m’expliquer ce que je devrais faire, et ceux qui ont des projets flous dont ils veulent me parler. J’aime le concret. Mon côté élevée à la campagne qui revient…
Je ne remets pas au lendemain ce que je peux faire le jour même et roule ma poule, demain est un autre jour !
Trouves-tu que la parisienne ose l’extravagance ? Quel conseil pourrais-tu leur donner ?
Moi je trouve qu’il faut surtout laisser les gens tranquilles !
Mais bon, je la trouve pas du tout extravagante la française ou la parisienne. Franchement demande en Picardie. En 6 ème j’étais déjà vintage et je créais des looks que les branchés et les custom peuvent aller se rhabiller direct ( rires). J’aime ceux qui prônent le retour à l’élégance et au fun. Pas assez de couleurs et d’authentique à mon gout. C’est comme dans les groupes. Tu sens les looks des vraies personnalités de ceux qui ont pris un styliste pour placer les marques ou ça sonne faux. Ce qui est casual m’ennuie. Le trash m’agresse. On doit regarder ce qui nous va dans la vie.. c’est tout !
Marre des fantasmes et des diktats. Place au rêve-réalité et à la simplicité.
Trouves-tu les parisiens grincheux et penses-tu de manière plus générale que l’humeur des français est maussade ?
Oui, beaucoup de gens sont grincheux, ça craint ! Moi, je ne me démonte pas. J’essaie de les faire remonter. L’humeur ça peut changer.. Ils attendent tous que ça vienne de l’extérieur. De tomber amoureux, de gagner le loto ou dieu sait quoi. C’est en soi que vient la lumière. Faut bosser, confronter , traverser.
Donner amoureux, c’est mieux que tomber comme mot, en tout cas moi… toute la journée on me dit ; tu es belle ! on me sourit, on me parle… c’est cool.. les hommes comme les femmes.. et les enfants. Je suis là, ça se voit.
Quelles sont tes actualités ?
Je crée des nouvelles robes de mariées, je fais beaucoup de photos, je pose beaucoup, c’est nouveau ça vient de sortir car beaucoup de demandes des photographes. J’exulte donc ma féminité !C’est l’âge je suppose. Ce long parcours … Je suis habitée. Je prépare aussi des tenues du soir et des tabliers incroyables pour les chefs cuisiniers.
L’année dernière à la même époque je préparais mon exposition pharaonique à la Mercedes Benz Gallery sur les Champs Elysées. Un truc incroyable;” l’histoires de princesses des temps modernes qui partent au bal dans des carrosses d’acier” . Un impromptu sur 1000 m carrés durant trois mois et de ma propre idée originale et sur mon initiative. Les hommes d’affaires qui adorent m’inviter à diner ont été scotchés et je peux au passage râler après ceux et celles dont je n’ai jamais eu les noms qui ont appelé et fait pression chez Mercedes pour qu’aucun dossier de presse ne parte parlant de moi vers les journalistes. Jalousie mal placée, et pas très fair play tout ça. . On a invoqué que je ne faisais pas partie de la fashion week., quelle découverte ! Et en plus sur l’expo c’était des pièces uniques spécialement crées en m’inspirant des voitures.On est absolument dans le registre d’ œuvres contemporaines, pas dans le squat d’une collections PAP dans un espace de voitures.
Bon c’est le passé! oublions. Ce mois ci je prépare un beau défilé dans un cadre exceptionnel ;à la Maison d’Education de la Légion d’Honneur .Elle ouvre ses portes pour la première fois au public. Une soirée de Gala avec l’association “Cé ke du Bonheur” pour les enfants hospitalisés. J’ai beaucoup travaillé plus jeune dans les hôpitaux. Je les connais bien. Les élèves de l école seront mes mannequins.. Un esprit famille, jeunesse, esprit de groupe , solidarité. J’aime. Tu viendras ?
Oui Zélia, je serai là, je ne manquerai pas ce bel événement !
Qu’aimes-tu le plus dans les mondanités et qu’aimes-tu le moins ?
J’aime les sorties, les expos, j’aime prendre un verre, mettre de belles robes. Le théâtre, les avant premières et en même temps je suis une fille de terrain. Je coupe mes robes par terre, comme une humilité chaque matin.
Donc j’aime le beaun monde,la belle vie, les mondanités bof ! Je suis pareille au lever qu’au coucher. Devant un ministre qu’un clochard. Unique et constante. Il y a pas deux poids, deux mesures chez moi. Du coup on m’aime ou pas. Cela m’est souvent arrivé de faire la fête avec une journaliste inconnue et de bien me marrer ( héritage picard du sens de la fête); et que, celle-ci, apprenant que je suis, me dise: “ ha ,c’est toi Zélia, tu es hyper sympa ! je pensais que tu étais conne ”!!!! Et que j’ai ENFIN un papier sur cet incroyable boulot que je fais !!!!
Quelle est ta définition de la frivolité ? Comment l’exprimes-tu ?
Au sens propre, je le suis pas du tout. Je suis tout le contraire ( rires)… mais beaucoup doivent me croire frivole ! Beaucoup d’hommes réalisent vite à leur dépends !
D’autres parlent de légèreté, dans le sens pas de ne pas s’engager. Moi,je parle de garder mon espace, je dois m’épanouir, ne pas me sentir coincée.
Quant au libertinage qui peut être accolé à ce mot, je n’en suis pas émoustillée. Tout cela m’ennuie un peu. Tout ce qui approche de près ou de loin de la décadence ne me plait pas. Je suis plutôt love and sun… J’aime la sensualité. Je crois qu’ on peut aimer plusieurs personnes. Donc plutôt que le libertinage , je défendrais que aimer plusieurs personne n’est pas mal. Les uns( unes) derrières les autres comme c’est classiquement le cas. Les aimer sans qu’il ne ne passe jamais rien de physique ( amour platonique). Avoir plusieurs histoires, très différentes, sans comparaisons aucunes. Ce sont les circonstances qui créent les histoires .
Ce qui n’empêche qu’un grand amour exclusif s’il se présente et s’aligne comme par magie reste très tentant et enivrant ( ça me parle plus que des soirées olé olé)…
Mais le chercher obstinément revient à un certain malheur si il ne se présente pas. L’exclusivité que la morale impose fait violence aux hommes et aux femmes chaque jour face à des désirs instinctif…ça fait des histoires.. Plein se résignent à rester seul ou à oublier l’amour ou encore à regarder des films pornos. Franchement ,je trouve qu’ il y a du chemin. La beauté m’intéresse . Les expériences pour les expériences pas du tout !
La frivolité, moi , je la mets dans les couleurs. Dans une fantaisie, dans ma façon de prendre la vie… comme elle est; en la tirant vers le haut. Vers le beau et en sachant à chaque instant que ce peut être la dernière seconde. Qu’il faut donc être attentif à en prendre soin.
Un message pour les lecteurs de Paris frivole ?
Soyez vous même, pas de provocation. que de l’émotion !
Merci Zelia !
47 ter, Rue d’Orsel 75018 Paris
01.46.06.96.51